Les relations de la Croatie avec l’Europe centrale

Outre des relations avec les grandes nations et cultures européennes, les relations avec les nations d'Europe centrale sont tout aussi importantes pour la Croatie car elle est liée à ces pays par l'histoire et sa géographie l'a souvent conduite vers eux. Les relations de la Croatie avec tous ces pays centre-européens ont été déterminées par deux facteurs essentiels, le facteur politique (de droit d'État) et le facteur ethnoculturel (réciprocité slave).

Un cadre politique commun a été l'agent le plus durable (pendant près d'un millénaire) et le plus intense des relations croato-hongroises et, par là-même, des relations croato-slovaques, étant donné le fait que la Slovaquie actuelle a autrefois fait partie du Royaume de Hongrie. À partir du xvie siècle, entreront également dans l'empire des Habsbourg, aux côtés des Croates, les Tchèques et une partie des Polonais.

Les légendes liées à l'ethnogenèse et rapprochant les Croates des Tchèques et des Polonais, existent depuis les temps les plus reculés et, au xixe siècle, la notion de réciprocité slave servira de fondement au développement d'une coopération concrète entre les principaux penseurs et artistes de ces pays.

Les relations culturelles de la Croatie avec la Hongrie. Vu les longs et étroits rapports politiques que ces deux pays ont entretenu, les Hongrois ont joué un rôle important dans le façonnage culturel de la Croatie continentale, commençant en 1094 avec la fondation de l'évêché de Zagreb qui fonctionna longtemps au sein de l'archevêché d'Esztergom puis de celui de Kalocsa. C'est par leur intermédiaire que les plus anciens codex liturgiques sont arrivés sur l'espace croate (Agenda Pontificialis, Benedictionale, Sacramentarium) et c'est au travers de la littérature qu'est né le culte des saints souverains : Ladislas, Étienne (Stjepan), Émeric et Élizabeth.

Les premières traces des liens littéraires les plus anciens entre la Croatie et la Hongrie se trouvent dans les littératures religieuse et chevaleresque, liens qui se renforcent ensuite, surtout à l'époque de l'humanisme au xve siècle, sous les règnes de Matthias Ier de Hongrie (Matija Korvin) et de ses successeurs, lorsque des Croates étaient alors membres de la cour de Hongrie ou de cercles universitaires hongrois comme, par exemple, Janus Pannonius (Jan Panonac), évêque de Pećs, Ivan Vitez od Sredne, en tant que précepteur de Matija Korvin, les sculpteurs Ivan Duknović et Jakov Statilić, le bâtisseur Vinko Dubrovčanin (Vincent de Dubrovnik), le miniaturiste Juraj Klović ou le médecin Ivan Jakov de Angelis, alors que dans la littérature hongroise on trouve des traces évidentes dans la poésie orale puis dans celle de l'époque illyrienne (Bálint Balassi). Les relations mutuelles se sont également faites au travers de la langue, des mouvements migratoires, des souverains communs ou des héros des combats contre l'Empire ottoman, sans oublier les interrelations par liens familiaux mixtes dans la noblesse qui pouvait se targuer, le plus souvent, d'une double identité culturelle. C'est ainsi que, par exemple, Petar Zrinski va traduire en croate, au xviie siècle, la poésie épique La sirène de la mer Adriatique (Adrianskoga mora sirena) que son frère Nikola avait écrit en hongrois à l'origine. Plusieurs Croates se sont trouvés à la tête de l'Archevêché caloque et l'un d'entre eux, Adam Patačić, fonda au xviiie siècle, la bibliothèque archiépiscopale qui fonctionne encore de nos jours en tant que bibliothèque scientifique publique.

Nikola iv Zrinski
Blason de la famille Zrinski
Vlaho Bukovac, Autoportrait
Plaque commémorative dans le pub U Fleků de Prague, où les étudiants croates de Split fondèrent en 1911 le club de football Hajduk Split.
Bogoslav Šulek
Le pape Jean Paul ii lors de son premier voyage apostolique en Croatie en 1994.

Suite aux accords croato-hongrois de 1868, des périodiques hongrois (Vasárnapi Ujság, Hölgyfutár, Szépirodalmi Figyelő et d'autres) vont régulièrement publier des notes, des aperçus et des traductions de la littérature croate et les principaux auteurs seront Ivan Mažuranić, Petar Preradović, August Šenoa, Ksaver Šandor Gjalski, Josip Kozarac et Ivo Vojnović. En parallèle, des aperçus de la littérature hongroise sont publiés dans des revues croates (Danica ilirska, Luna et Agramer Zeitung). Des travaux de critiques littéraires hongrois et d'historiens de la littérature (Sándor Petőfi), seront de même publiés en Croatie et des aperçus de la littérature hongroise seront présentés par Mavro Špicer et Miroslav Krleža. Des dramaturges hongrois tels Mór Jókai ou Ferenc Molnár vont, eux aussi, attirer l'attention et leurs œuvres seront jouées sur des scènes croates alors que les pièces de Milan Begović sont jouées dans des théâtres de Kaposvár et de Budapest.

Un rôle important va être joué par la chaire d'études slaves, à partir de 1881, et, de 1899 à 1939, par la chaire de langue et littérature croates à l'Université de Budapest. Le philologue Kazimir Grekša, auteur d'un lexique de hongrois (Slovnica mađarskoga jezika) a été, de 1904 à 1918, maître de conférences pour la langue hongroise à la Faculté de philosophie de Zagreb et Ivan Bojničić y a été lecteur de langue hongroise, à partir de 1882, puis maître de conférences de 1910 à 1922.

Avec la chute de la monarchie austro-hongroise en 1918, le rôle d'intermédiaire culturel entre les deux nations est revenu aux membres de la minorité hongroise qui lancèrent plusieurs publications littéraires puis, pendant l'entre-deux-guerres et dans l'après-guerre, une activité intensive s'est déroulée autour de la traduction d'œuvres de Milan Begović, Slavko Kolar, Miroslav Krleža et Tin Ujević. Grâce aux traductions des slavistes hongrois Zoltan Csuka, László Hadrovics et Kálmán Dudás, mais grâce aussi à des traductions publiées dans de nombreux journaux hongrois, d'autres ouvrages importants de la littérature croate ont pu être rendus accessibles au grand public. Ce sont les pièces de Miroslav Krleža et de Ranko Marinković qui ont toutefois été le plus souvent jouées au théâtre. La littérature croate a été présentée dans plusieurs anthologies de la littérature sud-slave et aussi dans des anthologies indépendantes parmi lesquelles se distingue la sélection de Zoltan Csuka intitulée Adriai tengernek múzsája (La muse de la mer Adriatique, 1976). Csuka a également consacré à la littérature croate une grande partie de son histoire de la littérature yougoslave (A Jugoszláv népek irodalmának története, 1963).

À une époque plus récente, la chaire d'études hongroises, ouverte en 1994 à la Faculté de philosophie de Zagreb, a largement contribué à l'évolution des relations croato-hongroises.

Les relations croato-tchèques. Les liens culturels croato-tchèques peuvent être suivis depuis les activités des saints Cyrille et Méthode dont les disciples ont propagé la liturgie slave sur le territoire de la Croatie actuelle (Hagiographie de Constantin Cyrille et Méthode / Žitja Konstantina Ćirila i Metodija), ce dont témoigne l'écriture en alphabet glagolitique du plus ancien texte vieux-slave de rédaction tchéco-morave (xe s.) intitulé Feuillets de Kiev (Kijevski listići) ainsi que les Feuillets de Vienne (Bečki listići), le plus ancien document liturgique en vieux-slave et de rédaction croate (xie-xiie s.). Le premier évêque de Zagreb (1094), Duh, était originaire de Bohême, d'où lui ont emboîté le pas de nombreux prêtres, ceux-là mêmes qui posèrent les fondations du Chapitre (Kaptol) de Zagreb.

Au milieu du xive siècle, le roi de Bohême Charles IV fonda aux environs de Prague le monastère d'Emmaüs (Na Slovanech) dans lequel il invita à venir des religieux croates glagolisants afin de propager la liturgie slave. Il semblerait que 80 bénédictins aient répondu à l'appel (le premier étant Ivan Hrvat/Ivan Charvat) et ils s'y sont maintenus jusqu'à l'apparition du hussitisme et des guerres hussites (1419-1436). De nombreuses traductions en caractères glagolitiques des prêtres croates d'Emmaüs ont une très grande valeur du point de vue littéraire et historique car elles constituent les premières traductions connues d'une langue slave en une autre langue slave. Sous le règne du fils de Charles, Sigismond de Luxembourg, les relations croato-tchèques étaient à leur apogée ; des documents historiques croates mentionnent de nombreux ecclésiastiques tchèques occupant de hautes fonctions religieuses ou d'État : l'évêque dalmate Blaž/Blaise de Knin, en 1354, le lecteur de l'église Saint-Pierre de Požega, Petr Moravský, en 1361, l'évêque de Skradin Ondřej, Lukáš, évêque de Hvar, le curé Ivan Čech à Zagreb (1332-1338), ou le chanoine Jakub Čech à Zagreb vers 1387, ainsi que des prédicateurs hussites à Zagreb (Dominik et Jan Bohemus). Le puissant évêque Eberhard de Zagreb, la reine Barbara Celjska (Barbe de Cilley) et bien d'autres hauts dignitaires de Croatie louent les services de tailleurs de pierre de la famille Parléř, des bâtisseurs tchèques, pour faire ériger sur leurs possessions, en style gothique tardif, de nombreux forts, églises et monastères parmi lesquels se distinguent la cathédrale et l'église Saint-Marc de Zagreb ainsi que le monastère paulinien de Lepoglava.

Au xve siècle, de nombreux combattants tchèques s'étant distingué dans les guerres contre les Ottomans vont séjourner en Croatie (le commandant Petr z Myšlína, le ban de Dalmatie-Croatie-Slavonie, Blaž Podmanický, 1470-1478, ou encore le chef militaire Jan Vitovec). À la suite de la défaite des Ottomans, vers la fin du xvie siècle, et après le renforcement de la frontière croate avec l'Empire ottoman, les conditions sont à nouveau favorables à la venue d'un grand nombre de religieux tchèques (dont Martin Slabinus, Mikuláš Kučera et Matěj Bernatius), notamment au lycée jésuite de Zagreb (1607-1628), établissement d'enseignement de premier plan dans la Croatie d'alors.

Avec l'apparition des manufactures en Croatie (au xviiie siècle) on remarquera une arrivée plus importante d'artisans tchèques qui sont mentionnés comme occupant les fonctions de directeur d'imprimeries : imprimerie jésuite (Vojtěch Vilém Veselý), imprimerie du Chapitre/Kaptol (Antonín Jandera) et imprimerie nationale à Zagreb (Ivan Křtitel Weitz imprime le Calendarium Zagrabiense).

Les relations croato-tchèques s'intensifient à l'époque du Renouveau croate et de la Révolution de 1848-1849, sous l'influence de František Palacki et du nouveau courant politique appelé austroslavisme, qui s'est exprimé lors du Congrès slave de Prague en 1848 dont la réunion a été suscitée par les écrits d'Ivan Kukuljević Sakcinski. La coopération politique a eu un impact dans le domaine littéraire également et des traductions d'auteurs tchèques sont publiées dans les journaux Danica ilirska, Vienac et Neven, ce dernier étant rédigé par Josip Praus (1853). Josef Václav Frič était le rédacteur en chef de l'Agramer Zeitung (1873-1876) et il fonda, en 1874, l'association culturelle Česká beseda. August Šenoa, en tant qu'étudiant à Prague, a popularisé la littérature croate dans les journaux Národní listy et Zlatá Praha et il a lui-même été l'auteur le plus traduit en Bohême pendant les années 1880. Parmi les poètes se distingue Silvije Strahimir Kranjčević, dont les traductions sont publiées dans le journal Slovanský přehle et, parmi les dramaturges, Ivo Vojnović dont les œuvres, à commencer par la première d'Équinoxe (Ekvinocija) en 1897, dominent les scènes tchèques.

Au xxe siècle, des professeurs d'origine tchèque travaillent à l'Université de Zagreb dont Gustav Janeček, Fran Smetanka, Emil Prašek et Albert Bazala. Prague est d'autre part l'un des centres académiques des intellectuels de l'époque et, par exemple, le futur célèbre politicien croate Stjepan Radić a étudié, entre autres, à l'Université Charles. Prague est aussi à cette époque le lieu de référence de la peinture croate ; Vlaho Bukovac devient professeur à l'Académie et Milivoj Uzelac, Vilko Gecan et d'autres y font connaissance avec les courants expressionnistes. Les relations croato-tchèques vont se poursuivre après le démembrement de la Monarchie austro-hongroise, c'est-à-dire après la création de la République de Tchécoslovaquie et du Royaume des Serbes, Croates et Slovènes (Yougoslavie). Des auteurs contemporains (Jaroslav Hašek, Karel Čapek et Jan Neruda, côté tchèque, et Tin Ujević et Miroslav Krleža, côte croate) sont systématiquement traduits et leurs œuvres sont jouées sur des scènes croates et tchèques. Des anthologies de la littérature et de la poésie tchèques vont être publiées et Ivan Esih et Ljudevit Jonke vont écrire sur la littérature tchèque.

Les relations à une époque plus récente sont marquées par une coopération culturelle intense, avant tout par des traductions d'œuvres littéraires, et tout particulièrement celles de Dušan Karpatský et Predrag Jirsak, mais elles passent aussi par d'autres domaines de l'expression artistique : Jiří Menzel réalise des mises en scène dans des théâtres de Zagreb et au Festival d'Été de Dubrovnik et le groupe culte du Printemps pragois et de la résistance dissidente, Plastic People of the Universe, va se produire à Zagreb. Le lectorat de langue tchèque à la Faculté de philosophie de Zagreb (lancé en 1918 et maintenant chaire d'études indépendantes depuis 1965) a lui aussi été un agent incontournable des relations mutuelles, tout comme les études de langue et littérature croates à l'Université Charles de Prague et à l'Université Masaryk de Brno, sans oublier les membres des minorités tchèques qui préservent, au travers de leurs associations, la culture de leur patrie.

Les relations de la Croatie avec la Slovaquie. La Croatie et la Slovaquie se sont trouvées ensemble dans le royaume plurinational hongrois à partir du XIIe siècle et jusqu'en 1918 et elles ont donc en commun quasiment la même destinée historique et les mêmes magnats et seigneurs féodaux dont les possessions, telles celles des Erdődy, Frankopan ou Keglević, s'étendaient, après l'arrivée des Habsbourg sur le trône de Croatie-Hongrie au xvie siècle, autant du côté croate que du côté slovaque.

Les grands humanistes croates Ivan Vitez od Sredne et Janus Pannonius (Jan Panonac) ont joué un très grand rôle dans la formation de la première université slovaque, l'Istropolitana de Bratislava (1467) où ont étudié, entre autres, plusieurs membres de la famille Frankopan.

Au début du xviie siècle, le futur saint Marc de Križevci a été directeur du séminaire de Trnava, chanoine d'Esztergom et père supérieur de l'abbaye bénédictine de Krásna près de Košice. C'est aussi l'époque où Juraj Habdelić, Andrija Jambrešić et d'autres se trouvaient à l'université jésuite de Trnava, où de nombreuses personnalités du domaine culturel faisaient leurs études là-bas, où des livres à caractère religieux et des abécédaires étaient publiés et où les intellectuels slovaques, Ján Spišák et Ján Porubský, ont participé à la fondation du collège jésuite de Zagreb en 1608.

À l'époque du Renouveau national croate, un grand rôle a été joué par Pavel Jozef Šafařík et Ján Kollár qui mettaient en avant l'idée de réciprocité slave ainsi que par L'udovíta Štúra qui prônait le maintien des identités nationales à l'intérieur de la communauté slave, idée à laquelle adhéraient également, en 1847, certains membres du mouvement illyrien comme Ivan Kukuljević Sakcinski, Maksimilijan Prica, Janko Drašković et Stanko Vraz. En Croatie, c'est Bogoslav Šulek, polymathe d'origine slovaque qui va, par ses œuvres et son activité exceptionnelle, réaliser bien des idées du Renouveau relatives au développement de la culture, des sciences et de l'économie. C'est grâce à l'évêque Stjepan Mojzes que des auteurs slovaques comme Ján Čaplovič ou Ján Kollár vont paraître dans les pages de journaux croates et l'évêque Josip Juraj Strossmayer va venir en aide matériellement à la fondation de l'association culturelle slovaque (Matica slovačka) en Croatie, en 1863. Parallèlement, des traductions de chants populaires croates, ainsi que des nouvelles concernant le mouvement illyrien et ses représentants, vont être publiées en Slovaquie. Deux personnalités ecclésiastiques slovaques vont également jouer un rôle très important dans le rapprochement des deux nations ; il s'agit d'Aleksandar Alagović, évêque de Zagreb et de Juraj Haulik, archevêque et cardinal de Zagreb.

Dans la première moitié du xxe siècle, des représentants de tous les courants littéraires slovaques (Svetozár Hurban-Vajanský, Martin Kukučín, Milo Urban, Peter Jilemnický, Matúš Kavec) vont être publiés dans des journaux croates et l'écrivain Josip Andrić écrira la première histoire de la musique slovaque et publiera un dictionnaire de slovaque (Slovnica slovačkog jezika). L'écrivain slovaque Martin Kukučin (de son vrai nom Matej Bencúr) a passé une partie de sa vie sur l'île de Brač, ainsi que parmi des immigrants croates en Amérique du Sud, ce qu'il décrivit dans ses romans. Les traductions les plus présentes en Slovaquie sont celles d'œuvres d'August Šenoa et de Ksaver Šandor Gjalski et des pièces de théâtre d'Ivo Vojnović, de Miroslav Krleža et de Milan Begović sont jouées sur les scènes slovaques.

Les contacts mutuels vont se poursuivre, avec la même intensité, après la Seconde Guerre mondiale et ce, jusqu'à une époque plus récente et ils ont surtout été marqués par une collaboration dans divers domaines scientifiques ou d'expression artistique. Un rôle important fut joué en cela par les études de langue et littérature slovaques à la Faculté de philosophie de Zagreb qui se sont tenues, à partir de 1994, dans le cadre des études de bohémistique, de slavistique et de croatistique et, de manière indépendante à compter de 1997/1998, et par les études de langue croate à l'Université Komenský de Bratislava et à l'Université Matej Bel à Banská Bystrica, sans oublier non plus de nombreuses personnalités telles l'historienne Kvĕtoslava Kučerová ou le croatiste Jan Jankovič qui contribuent, avec leurs travaux scientifiques et leurs traductions, à la promotion du patrimoine culturel croate en Slovaquie, ou encore Ludwig Bauer, auteur de la première anthologie de la poésie slovaque (Crna violina/Le violon noir). De même, un festival de théâtre consacré aux œuvres de Miro Gavran se tient depuis 2003 à Trnava.

Les relations de la Croatie avec la Pologne. Les premiers contacts croato-polonais sont liés à la tradition orale parlant de la patrie des ancêtres des Croates en Croatie blanche (ou Chrobatie) qui se trouvait sur le territoire de la Pologne actuelle et mentionnée, au xe siècle, par l'empereur byzantin Constantin vii Porphyrogénète. Ces liens ont été renouvelés sous le règne du roi hungaro-croate Louis ier d'Anjou qui fut couronné roi de Pologne en 1370, et ils se sont encore intensifiés lorsque Louis ii Jagellon est monté sur le trône croato-hongrois en 1516. De nombreux éminents scientifiques croates (Stjepan Brodarić, les frères Trankvil et Franjo Trankvil Andreis ainsi qu'Antun et Mihovil Vrančić) se trouvaient à cette époque en Pologne alors que nombre d'étudiants fréquentaient l'Université de Cracovie. Toma Budislavić était le médecin personnel de l'évêque Piotr Myszkowski, dont le palais épiscopal était l'un des centres humanistes de la Pologne d'alors, puis il fut anobli par le roi Étienne (Stefan) Ier Báthory qui lui donna le titre de médecin du roi. On suppose que la bibliothèque qu'il ramena avec lui lors de son retour à Dubrovnik servit plus tard à une meilleure connaissance des conditions en Pologne à Mavro Orbin (Fran-Mauro Orbini) et Ivan Gundulić, appelé en Pologne le « Homère illyrien » et qui célèbre, dans son œuvre intitulée Osman, la victoire polonaise à la bataille de Khotin en 1621. Quant à la grande victoire de Jan Sobieski sur les Ottomans, près de Vienne en 1683, elle a été glorifiée par Jerolim Kavanjin, Andrija Kačić Miošić et bien d'autres encore.

Des relations intenses se sont poursuivies pendant toute la période des rois-électeurs polonais. Des nobles de Dubrovnik et des Bouches de Kotor ont séjourné à la cour du dernier roi polonais Stanislas II August Poniatowski qui entretenait une correspondance avec le célèbre scientifique Ruđer Bošković.

Les relations culturelles vont se renforcer à l'époque du Renouveau national croate, dans la première moitié du xixe siècle, en témoigne le chant patriotique de Ljudevit Gaj intitulé Još Hrvatska ni propala (La Croatie n'a pas encore disparu) et qui est une paraphrase de l'hymne national polonais Jeszcze Polska nie zginęła (La Pologne n'a pas encore disparu). Dans le journal La Tribune des peuples, dont il était le rédacteur, Adam Mickiewicz publie des textes d'auteurs croates. Des traductions d'écrivains polonais faites par les membres du Renouveau croate, Ljudevit Gaj, Stanko Vraz, Ivan Mažuranić et Petar Preradović paraissent dans le journal Neven tandis qu'August Šenoa fait la promotion de la littérature polonaise dans le journal Vienac, ce qui va élargir le cercle des écrivains polonais et de leurs traducteurs sur l'espace croate. Des pièces d'Alojzy Feliński et d'Aleksander Fredro sont jouées au théâtre. Le discours d'Ivan Kukuljević Sakcinski, pour la première fois en langue croate, devant le Sabor (Parlement croate) en 1843 va éveiller l'attention du public polonais et certains de ses poèmes vont être traduits.

Dans le cadre de la coopération littéraire, les liens vont être étroits dans la seconde moitié du xixe siècle. Une sélection de la littérature slave (Obraz literatury powszechnej) va être publiée à Varsovie en 1896 et l'influence de la poésie populaire croate est évidente dans la littérature. A partir de 1905, le journal Świat slowiański (Le monde slave) auquel participaient Julije Benešić et Branko Vodnik sort à Cracovie, où est fondée en 1912 l'association littéraire « Towarzystwo Slowiańskie ». Des centres de slavistique polonaise comme l'Association varsovienne des amis des sciences et le Département slave de la Grande école de Varsovie, vont eux aussi jouer un rôle dans les relations entre la Croatie et la Pologne. Le centre de slavistique de Cracovie s'est développé à l'Université de Cracovie et à l'Association scientifique (plus tard Académie des sciences) de Cracovie où travaillait Marian Zdziechowski dont l'étude du Renouveau national croate fut l'apogée de son intérêt envers le croatisme.

Au début du xxe siècle, des associations d'amitié croato-polonaise vont être créées dans les nouveaux États de Pologne et du Royaume des Serbes, Croates et Slovènes, leur objectif étant de s'occuper des contacts culturels et scientifiques, toujours dominants dans le domaine de la littérature. C'est ainsi que des pièces de théâtre d'Ivo Vojnović, Milan Begović, Milan Ogrizović et Miroslav Krleža vont être souvent jouées en Pologne et elles seront commentées dans de nombreuses publications polonaises (Kultura słowiańska, Ruch słowiański, Przegląd Polsko-Jugosłowiański, Gazeta literacka). Une chaire d'études slaves, à laquelle participent Kazimierz Nitsch, Tadeusz Lehr-Spławiński et d'autres, va s'ouvrir à l'Université de Cracovie en 1925. En même temps en Croatie, le cercle des personnes connaissant la langue et la littérature polonaises va s'élargir et, parmi ces personnes, se distingue le lexicographe et traducteur Julije Benešić qui travaillait aussi comme lecteur de langue polonaise à l'Université de Zagreb et comme lecteur de langue croate à l'Université de Varsovie où il initia la Biblioteka Jugosłowiańska. Finalement, en 1965/66, faisant suite au lectorat de langue polonaise (de 1919) de la Faculté de philosophie de Zagreb, des études de langue et littérature polonaises sont instaurées, à titre de gage pour les traditionnelles relations entre la Pologne et la Croatie à travers les siècles.

Le pape polonais Jean-Paul II a manifesté à de nombreuses reprises son affection envers la Croatie, qui obtint son indépendance pendant son pontificat, et elle eut l'honneur de le recevoir par trois fois, à l'occasion de visites apostoliques. Dès 1979, dans sa première homélie aux pèlerins croates, il leur a rappelé, en croate, leurs origines slaves communes en ces mots : « Vous souvenez-vous de la "Croatie blanche", votre terre d'origine qui se trouve précisément là où se trouve ma patrie ? »